mercredi 29 janvier 2020

Réforme des retraites : « Les femmes divorcées seront les grandes perdantes »


Dans une tribune au « Monde », un collectif de chercheurs et d’universitaires suggère au gouvernement d’établir un vrai partage des droits à retraite au sein des couples.

Tribune. Il y a quelques mois, Emmanuel Macron affirmait : « Il n’est pas question de supprimer les pensions de réversion pour les futurs retraités, qui bénéficieront des mêmes prestations pour chaque euro cotisé » (Le Monde du 28 juin 2018). La dernière version du projet de réforme des retraites prévoit pourtant cette suppression pour les femmes divorcées, après 2025.
Ce projet renforcerait les inégalités entre femmes et hommes. En prenant en compte l’ensemble de la carrière plutôt que les « meilleures années », l’ensemble des inégalités (de carrière, de salaire, de temps de travail rémunéré) que les femmes connaissent tout au long de leur vie professionnelle serait répercuté sur le montant de leur retraite.


La suppression de la pension de réversion pour les divorcées diminuerait encore davantage les retraites de nombreuses femmes. Cette pension est actuellement attribuée aux femmes qui ont été mariées, après le décès de leur époux ou ex-époux, en fonction des droits à la retraite acquis par ce dernier et au prorata de la durée de leur mariage s’il a été marié plusieurs fois. Elle permet de réduire significativement la pauvreté des femmes âgées : près de la moitié la perçoit, pour un montant moyen de 700 euros.
Pour remplacer la pension de réversion, le gouvernement envisage d’augmenter la prestation compensatoire éventuellement fixée au moment du divorce. Cela traduit une méconnaissance complète de la justice familiale.

La prestation compensatoire est censée compenser les sacrifices professionnels réalisés par un des époux du fait de la prise en charge du travail domestique et parental. Dans les faits, pour qu’une femme en bénéficie, il faut que son ex-époux détienne, au moment du divorce, un capital disponible important. Seul un divorce sur cinq donne lieu à une telle prestation : les femmes qui l’obtiennent appartiennent à des milieux plus aisés que celles qui touchent une pension de réversion.

Même quand il y a prestation compensatoire, les sommes fixées sont loin de compenser les inégalités économiques entre ex-conjoints. Dès lors, imaginer compenser la fin de la pension de réversion par une hausse de cette prestation est totalement irréaliste.
En juillet 2019, Jean-Paul Delevoye proposait de confier aux juges aux affaires familiales le soin de majorer les prestations compensatoires. C’est ignorer que ces juges ont déjà des difficultés à calculer ces prestations, par manque de temps et de moyens.

C’est aussi ignorer que les juges ne prononcent plus les divorces par consentement mutuel, soit plus de la moitié des divorces. Les femmes divorcées qui, aujourd’hui, ne parviennent pas à obtenir de prestation compensatoire ne parviendront pas plus, dans un bras de fer entre avocats, à y inclure le calcul des droits à retraite.